Un client qui m'a demandé de passer par Malt (pour payer plus tard, toujours impayé à ce jour)

Malt.fr N’est PAS une plateforme POUR les freelances

« Quand c’est gratuit, c’est vous le produit ». La maxime vaut aussi quand c’est « presque » gratuit : dès qu’une plateforme engrange son chiffre d’affaires ailleurs que dans votre poche, ses intérêts finiront tôt ou tard par diverger des vôtres.

1. Malt, Airbnb : même promesse, même mirage

Malt aime se comparer à Airbnb : un intermédiaire technologique qui “met en relation” deux parties dans un esprit de communauté. Airbnb et Malt proclament tous deux « redonner le pouvoir aux individus ». Pourtant, à l’instar de la location courte durée, le freelancing plateformisé reproduit rapidement les travers d’un système qui sert d’abord… la plateforme.

Je parle d’expérience : j’ai été l’un des premiers hôtes Airbnb dans ma métropole Au début, l’idée de louer mon appartement pendant mes voyages paraissait vertueuse. En quelques années, j’ai vu apparaître les conciergeries, les optimisations fiscales, les house‑parties incontrôlables, l’uniformisation des logements façon Ikea, et surtout l’inversion de la proposition : de l’hospitalité entre particuliers on est passé à un apparthotel déshumanisé sans personnel. J’ai fermé la porte.

J’ai été l’un des premiers freelances enregistrés sur Hopwork (l’ancien nom de Malt). Aujourd’hui je retrouve le même parfum chez Malt.

2. Suivez l’argent !

(à qui profite le business‑model de Malt?)

ActeurArgent qui entreArgent qui sort
MaltCommissions et « service fees » sur chaque missionMarketing, pseudo-support (templates et aucune action), dividendes…
ClientPrix de la mission + frais côté client (15 % à 20 % selon l’offre Starter/Advanced/Enterprise)Mission réalisée
FreelanceTemps, expertise, trésorerie (avance de frais)Son TJM – 10 % de commission

Tant que l’argent coule dans le canal « commission », l’acteur protégé est celui qui paie ces commissions : le client. Le freelance, lui, est le stock qu’on présente en vitrine.

Quelques chiffres pour remettre l’église au milieu du village :

  • Malt a clos 2024 sur 800 M€ de chiffre d’affaires, en croissance de 30 %.
  • Les commissions prélevées sur le freelance vont jusqu’à 10 % (dégressives après 3 mois avec le même client).
  • Côté entreprises, Malt facture 15 % à 20 % de « service fee ».

Quand on sait que toute entreprise vaut mécaniquement multiple de son CA, on comprend vite où se situe la fidélité première de la plateforme.

3. Quand ça tourne mal : les mauvais payeurs

Airbnb bloque un voyageur ou impose un dépôt de garantie ; Malt, de son côté, se retranche derrière ses CGU. Les témoignages se multiplient : clients qui tardent à payer (la plateforme permet déjà des conditions de paiement qui dépassent les conditions légales), comptes jamais suspendus malgré les impayés, recouvrement laissé au freelance.

Malt affiche bien une page “transparence” promettant la suspension en cas de manquement, mais dans la pratique, la commission prime sur la sanction tant que le client promet un volume d’affaires futur. L’algorithme valorise « chiffre d’affaires généré »… pas “délai de paiement respecté”, encore moins “freelance respecté par le client”.

Résultat : le freelance porte le risque, avance la trésorerie, subit la notation, sans contre‑pouvoir. L’illustration de ce billet en est un bon exemple. Le client ci-dessous m’a obligé à utiliser Malt pour “être réglé plus vite” , ceci a réduit mon TJM, a ainsi empêché l’application du délai légal, et m’a conduit à un impayé à plus de J+100, bien au-delà des conditions légales de règlement. Les salariés de ce client qui me mènent en bateau, reçoivent leurs salaires tous les mois, n’ont pas de fournisseur à payer en avance (cas des telcos), d’échéances URSSAF ou IS “on se sert sur votre compte quoi qu’il advienne” non négociables. S’il devait manquer aujourd’hui un intermédiaire, ce serait celui qui garantit le versement des fonds, d’autant plus en l’espèce où c’est moi qui ai décidé de mettre fin à ma mission. Et certainement pas pour 10% de commission plus frais clients.

4. Le parallèle Airbnb en 2025

Airbnb vient d’annoncer (mai 2025) une nouvelle politique « Off‑Platform & Fee Transparency » qui restreint encore l’autonomie des hôtes. Parallèlement, le déploiement de la technologie anti‑party bloque plus de 50 000 tentatives de réservation « à risque » par an. Louable ? Peut‑être. Mais ces mesures servent d’abord la marque Airbnb, pas les hôtes : on évite les bad buzz, on rassure les investisseurs, on garantit les commissions. Entretemps, les problématiques de fond persistent : pression réglementaire, inflation des loyers, concurrence déloyale des conciergeries, gentrification. Beaucoup d’hôtes « historiques » quittent la plateforme… pendant qu’une armée de nouveaux “pros” standardisent l’offre.

Contacté à plusieurs reprises sur son support à propos du delisting ou d’une simple suspension en raison de l’impayé, Malt s’est refusé à toute action, se montrant encore moins vigilant et pro-actif qu’AirBnB, exposant potentiellement de nouveaux freelances au même risque d’impayé avec le même client.

La leçon pour les freelances :

Une plateforme qui prétend « vous libérer » vous enferme dès qu’elle confisque l’accès au client et la maîtrise de la relation.

5. Comment reprendre la main ?

  1. Diversifiez vos canaux : LinkedIn, bouche à oreille, personal branding. N’abandonnez jamais 100 % de votre deal‑flow à Malt.
  2. Faites payer un acompte hors plateforme avant toute prestation significative.
  3. Contrat en béton : pénalités de retard, propriété intellectuelle ou livraison conditionnées au règlement intégral.
  4. Exigez la notation réciproque et rappelez‑la dès la première visio : le client dépend aussi de sa réputation.
  5. Gardez vos données : listez les contacts clients, sauvegardez les briefs et messages (en cas de litige ou de sortie future).

Conclusion

Malt n’est pas contre les freelances ; Malt est pour Malt. Tant que l’alignement économique reste partiel (10 % qui s’évaporent, risque d’impayés assumé, dépendance algorithmique), considérez la plateforme pour ce qu’elle est : un canal marketing – pas votre apporteur d’affaires.

La liberté prônée par l’économie des plateformes ne se conquiert qu’en gardant la clientèle et la facturation sous contrôle du freelance.

En d’autres termes :
Vous êtes l’actif, pas la marchandise. Comportez‑vous en propriétaire, pas en locataire.