Prime Renov’ ou pas: Pourquoi je ne rénoverai pas l’isolation de ma maison (et les chiffres qui m’ont convaincu)

L’étude officielle (passée inaperçue pendant l’été) qui vient de sortir sur l’efficacité réelle de l’isolation thermique m’a définitivement convaincu : je ne mettrai pas 15 000€ dans l’isolation de ma maison. Explications.

Il y a quelques semaines, l’INSEE et l’Observatoire national de la rénovation énergétique ont publié une étude qui a fait l’effet d’un pavé dans la mare du BTP. Pour la première fois, les pouvoirs publics ont mesuré les vraies économies d’énergie après des travaux d’isolation, en analysant les données de consommation de 80 000 maisons.

Le résultat ? 5,4% d’économies en moyenne pour l’électricité, 8,9% pour le gaz. Point.

Jancovici avait-il tort ?

J’ai beaucoup de respect pour Jean-Marc Jancovici. Ses analyses sur l’énergie et le climat sont remarquables, et il a eu le mérite de vulgariser des sujets complexes. Depuis des années, il martèle que la rénovation énergétique des bâtiments est une priorité absolue pour réduire nos émissions de CO2.

Sur le principe, il a évidemment raison : le bâtiment représente 25% de notre consommation énergétique nationale. C’est un gisement énorme.

Mais entre la macro-économie et mon porte-monnaie personnel, il y a un gouffre que cette étude vient de révéler au grand jour.

La douche froide des vrais chiffres

Prenons mon cas concret. Ma maison du 18ème siècle de 150m², rénovée en 1989 avec un complément récent en 2019 (2 pièces supplémentaires à l’étage), chauffée au bois et à l’électricité. Consommation électrique annuelle : 11 000 kWh, soit environ 2 200€ par an. À cela s’ajoute le bois de chauffage pour compléter.

Selon l’étude, après 14 200€ de travaux d’isolation (coût moyen constaté), j’économiserais 5,4% sur ma consommation électrique, soit 594 kWh et 119€ par an.

Temps de retour sur investissement : 119 ans.

Même en étant optimiste et en tablant sur une hausse continue des prix de l’électricité de 3% par an (ce qui est déjà beaucoup), je n’arrive qu’à 70 ans de rentabilisation.

Et encore, ces calculs sont basés sur l’étude qui porte sur des maisons “moyennes”. Ma maison du 18ème siècle aux murs de pierre épais présenterait probablement des défis d’isolation encore plus complexes et coûteux, avec des risques d’humidité, de ponts thermiques difficiles à traiter, et la nécessité de préserver le patrimoine architectural.

Soyons sérieux : aucun investissement sensé ne se raisonne sur une telle durée.

L’argument écologique ne tient pas non plus

“Oui mais l’écologie, la planète, les générations futures !” j’entends déjà les objections.

Calculons ensemble. Mes 119€ d’économies annuelles représenteraient environ 594 kWh électriques en moins par an, soit 142 kg de CO2 évités (0,24 kg de CO2 par kWh électrique français).

Mon investissement de 14 200€ éviterait donc 142 kg de CO2 par an, soit 100€ la tonne de CO2 évitée.

Pour comparaison, les quotas carbone européens se négocient autour de 70€ la tonne. Mon isolation serait donc moins efficace que d’acheter directement des quotas carbone pour compenser mes émissions.

Pire encore : avec ces 14 200€, je pourrais installer beaucoup plus de panneaux solaires. À titre de comparaison, mes 2,8 kWc installés en 2022-2023 m’ont coûté seulement 4 500€ et évitent 672 kg de CO2 par an.

Avec 14 200€, j’aurais donc pu installer 8,8 kWc (au prix que j’ai payé), évitant 2 112 kg de CO2 par an.

Mais attendez, c’est encore pire ! Avec l’évolution des prix du solaire (250€ pour 400Wc panneau + onduleur), ces mêmes 14 200€ permettraient aujourd’hui d’installer 22,7 kWc ! Soit une production de 22 700 kWh par an qui éviterait 5 448 kg de CO2 annuels.

Le solaire évite donc 38 fois plus de CO2 que l’isolation pour le même investissement (avec les prix actuels). Sans compter que ma voiture électrique évite à elle seule 2,5 tonnes de CO2 par an par rapport à une thermique, tout en économisant 1 732€ par an.

Le piège de la rénovation globale

Face à ces chiffres accablants, les défenseurs de la rénovation sortent toujours le même argument : “Il faut faire une rénovation globale, pas des gestes isolés.”

Très bien. Rénovation globale = isolation + changement de chauffage + ventilation + menuiseries. Budget estimé : 35 000 à 50 000€ minimum.

Même en étant généreux sur les économies (disons 30% de la facture, soit 540€/an), on arrive à 65-90 ans de rentabilisation. Toujours absurde.

Jancovici et l’effet d’échelle

Là où Jancovici a raison, c’est sur l’effet d’échelle national. Si tout le monde isolait, l’impact serait significatif sur la consommation énergétique du pays.

Mais nous sommes dans un parfait dilemme du passager clandestin : l’effort individuel est disproportionné par rapport au bénéfice personnel, tandis que le bénéfice collectif nécessiterait un effort de tous.

C’est exactement le type de situation qui justifie une intervention publique forte (obligation réglementaire, fiscalité incitative massive), pas des appels à la responsabilité individuelle.

Ma stratégie alternative (et ses résultats concrets)

Plutôt que de claquer 15 000€ dans de la laine de verre, voici ce que j’ai fait et envisage :

1. Petites optimisations : joints des fenêtres, programmateur de chauffage. J’envisage également l’isolation des combles perdus par soufflage (800€), qui reste la seule intervention d’isolation avec un rapport coût/efficacité acceptable.

2. Investissement solaire réalisé : j’ai installé 2,8 kWc de panneaux solaires en 2022 et 2023 pour 4 500€ au total. Production annuelle constatée : 2 800 kWh, soit 900€ d’économies par an en autoconsommation. Rentabilité constatée : 5 ans.

Note importante : avec l’évolution des prix (désormais 250€ pour 400Wc panneau + onduleur), quelqu’un qui investirait aujourd’hui obtiendrait une rentabilité encore meilleure, probablement inférieure à 3 ans.

3. Voiture électrique : depuis 2 ans, je charge ma voiture électrique à domicile (en 8A), optimisant ainsi l’autoconsommation de mes panneaux solaires.

Impact concret de cette transition :

  • Ancienne voiture essence : 8l/100km × 15 000 km/an = 1 200 litres/an = 1 920€/an
  • Nouvelle voiture électrique : 12,5 kWh/100km × 15 000 km/an = 1 875 kWh/an
  • 50% chargé par mes panneaux solaires = 937,5 kWh gratuits + 937,5 kWh réseau = 188€/an
  • Économie annuelle : 1 920 – 188 = 1 732€/an
  • Économie CO2 : passage de 2 760 kg CO2/an (essence) à 225 kg CO2/an (électricité réseau) = 2,5 tonnes de CO2 évitées par an

Cette transition évite donc 18 fois plus de CO2 que l’isolation projetée (2 500 kg vs 142 kg/an) tout en générant 1 732€ d’économies annuelles, soit plus de 14 fois les économies de l’isolation (119€/an).

Résultat concret : avec les panneaux solaires seuls, j’obtiens une rentabilité de 5 ans, soit 24 fois mieux que l’isolation (119 ans vs 5 ans). Mais en ajoutant la voiture électrique (9 000€), le bilan devient écrasant : investissement total de 13 500€ pour 2 632€ d’économies annuelles, soit un ROI global de 5,1 ans.

Comparé à l’isolation (14 200€ pour 119€/an d’économies), ma stratégie est 23 fois plus rentable pour 700€ de moins d’investissement !

Cette expérience personnelle de 3 ans confirme ce que disent les chiffres : le solaire écrase l’isolation en termes de retour sur investissement, particulièrement sur une maison en pierre du 18ème siècle où l’isolation serait complexe et peu efficace.

L’honnêteté intellectuelle avant tout

Je ne remets pas en cause l’expertise de Jancovici sur les enjeux macro-énergétiques. Mais cette étude révèle un décalage énorme entre les discours théoriques et la réalité économique individuelle.

Les professionnels du BTP, les bureaux d’études thermiques et même certains experts ont vendu pendant des années un narratif qui ne résiste pas à l’analyse factuelle. Cette étude de l’INSEE a au moins le mérite de remettre les pendules à l’heure.

Conclusion : la raison avant l’émotion

Je n’ai pas rénové ma maison par idéologie, et les résultats me donnent raison. Les chiffres sont têtus, et 119 ans de rentabilisation pour de l’isolation sur une maison en pierre, c’est non.

En revanche, j’ai agi là où c’était rationnel : petites optimisations et surtout panneaux solaires. Le résultat ? Une rentabilité 24 fois meilleure que l’isolation projetée (5 ans vs 119 ans).

Et l’écart continue de se creuser ! Avec l’évolution des prix du solaire (250€ pour 400Wc panneau + onduleur), quelqu’un qui investirait aujourd’hui les mêmes 14 200€ dans du photovoltaïque obtiendrait une installation de 22,7 kWc avec une rentabilité probablement inférieure à 3 ans. L’écart avec l’isolation devient astronomique.

Mon installation solaire de 2,8 kWc fonctionne depuis 3 ans maintenant (achetée en 2022-2023 pour 4 500€), et ma voiture électrique (9 000€) depuis 2 ans. Je vois concrètement la différence sur ma facture électrique et essence. Avec 11 000 kWh de consommation annuelle et une voiture électrique que je charge à domicile (50% par mes panneaux), l’autoconsommation solaire fait vraiment la différence.

Bilan global de ma stratégie :

  • Panneaux solaires : 4 500€, ROI 5 ans, 900€ d’économies/an
  • Voiture électrique : 9 000€, 1 732€ d’économies/an, 2,5 tonnes CO2 évitées/an
  • Investissement total : 13 500€
  • Économies totales : 2 632€ d’économies annuelles et 3,2 tonnes CO2 évitées
  • ROI global : 5,1 ans

Versus l’isolation : 14 200€ d’investissement pour 119€ d’économies/an et 142 kg CO2 évités, soit un ROI de 119 ans.

Le bilan est saisissant : pour 700€ de moins que l’isolation (13 500€ vs 14 200€), j’obtiens 22 fois plus d’économies annuelles et 23 fois plus de CO2 évité, avec un ROI 23 fois meilleur (5,1 ans vs 119 ans).

C’est tangible, mesurable, et infiniment plus satisfaisant que de claquer 15 000€ pour économiser 119€ par an.

Et si demain les prix de l’énergie explosent ou si de nouvelles technologies révolutionnent l’isolation, je m’adapterai. En attendant, cette expérience de 3 ans avec mes panneaux solaires et ma voiture électrique confirme qu’il existe des alternatives bien plus intelligentes.

L’important, c’est de faire des choix rationnels basés sur des données factuelles, pas sur des discours théoriques.


Article basé sur l’étude “Effets de l’isolation thermique des logements sur la consommation réelle d’énergie résidentielle”, INSEE, No 2025-16, paru le : 10/07/2025