Le seuil de tranquillité : quand patrimoine et revenus ne vont pas de pair

En tant que père de famille naviguant entre entrepreneuriat et stabilité financière, je me suis souvent interrogé sur cette notion de “seuil de tranquillité”. À quel moment peut-on vraiment dire qu’on dort tranquille ?

Le principe du seuil de tranquillité

Le seuil de tranquillité, c’est ce point d’équilibre à partir duquel l’argent cesse d’être une source d’angoisse quotidienne. Ce moment où l’on passe de “comment vais-je payer mes factures ?” à “comment vais-je organiser ma vie ?”. C’est une forme de liberté psychologique qui permet de prendre des décisions basées sur ses valeurs plutôt que sur la peur du manque.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce seuil n’est pas uniquement déterminé par un montant fixe. Il dépend de nos besoins réels, de notre mode de vie, de nos projets, mais aussi de notre capacité à distinguer l’essentiel du superflu. Pour certains, ce sera 3000 euros par mois, pour d’autres 1500 euros suffiront largement.

L’important, c’est qu’une fois ce seuil atteint, chaque euro supplémentaire n’apporte qu’un gain marginal de bonheur. C’est pourquoi il est crucial de bien le définir pour soi, plutôt que de courir après des objectifs financiers sans fin.

Deux types de tranquillité financière

Mais la réalité, je l’ai découvert, est plus complexe : il existe en réalité deux seuils distincts, qui ne coïncident pas forcément.

Le seuil de tranquillité patrimonial

Le premier seuil concerne le patrimoine. Pour ma part, je considère l’avoir atteint grâce à deux biens immobiliers entièrement payés. Cette base solide me permet de savoir que, quoi qu’il arrive, ma famille et moi avons un toit sur la tête et un patrimoine tangible. C’est une forme de sécurité fondamentale : même en cas de coup dur professionnel, nous ne risquons pas de nous retrouver à la rue.

Cette tranquillité patrimoniale, c’est celle qui permet de dormir sereinement, sachant que les besoins primaires sont couverts sur le long terme. Elle représente une liberté psychologique non négligeable.

Le seuil de tranquillité des revenus : une autre paire de manches

En revanche, le seuil de tranquillité en termes de revenus récurrents, lui, n’est absolument pas atteint. Et c’est là que la différence avec certains de mes anciens camarades de classe devient flagrante.

Eux, installés confortablement chez Orange, bénéficient d’une sérénité de revenus que j’envie parfois. Pas autant que ceux de la SNCF, d’EDF ou de la fonction publique, certes, mais suffisamment pour être tranquilles jusqu’à la fin de leurs jours. Leur fiche de paie tombe chaque mois, leurs congés sont payés, leur retraite se construit mécaniquement.

Le revers de la médaille entrepreneuriale

Cette différence se ressent particulièrement en ce moment. Mon choix de privilégier des missions stimulantes – pour éviter l’ennui professionnel qui ronge tant de mes connaissances – combiné à une contrainte géographique assumée, m’amène parfois à des périodes creuses.

Car j’ai fait le choix de m’installer près de mes parents, tant qu’ils seront en vie, pour que mon fils passe un maximum de temps avec eux et que je puisse les aider quand nécessaire. À une époque où le télétravail est complètement déprécié (encore plus dans notre pays de micro-management), et dans un secteur d’activité concentré en région parisienne, ce n’est professionnellement pas le plus judicieux. Mais c’est incontestablement la meilleure qualité de vie, bien au-delà des considérations financières.

Actuellement, je n’ai pas de clients et je vis sur la thésaurisation de mes “jours déjà vendus” par le passé. C’est le prix de la liberté et de mes choix de vie : l’incertitude des revenus mensuels à moyen et long terme. Mais c’est un prix que j’accepte, car l’alternative me rebute profondément.

L’épouvantail du “boulot pépère”

Je ne suis pas dans l’attitude de prendre un emploi de “remplisseur de cases Excel” où la principale occupation serait de participer à des réunions improductives (mais dont chaque participant veut s’auto-convaincre qu’elle est essentielle à la destinée de l’entreprise). J’ose espérer ne jamais l’être, car cela représenterait trop de temps de vie gâché.

Cette position peut sembler inconfortable financièrement, mais elle est cohérente avec mes valeurs. Préférer l’épanouissement professionnel à la sécurité immédiate, c’est un choix qui a un coût, mais qui préserve quelque chose d’essentiel : le sens.

L’équilibre fragile mais assumé

Au final, je me trouve dans une situation paradoxale : serein sur le patrimoine, mais en tension sur les revenus. C’est un équilibre fragile, mais assumé. Le patrimoine me donne une base solide, la liberté professionnelle me donne du sens, et l’incertitude des revenus… me garde alerte et motivé.

La sobriété comme choix de vie

Cette situation m’a d’ailleurs amené à repenser entièrement ma relation à la consommation. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je n’ai pas augmenté mon niveau de vie selon mes revenus – je l’ai même réduit à 1800 euros mensuels en m’installant à la campagne.

Cette installation m’a rendu plus conscient de toutes les futilités qui polluent nos existences. Comme le résume brillamment Jancovici, nos besoins se résument à deux éléments primaires – l’accès à la nourriture et au sexe – et un extra que nos sociétés riches peuvent se permettre : la dopamine par l’achat de bidules, d’objets dont on n’a pas réellement besoin.

Cette prise de conscience libère paradoxalement : moins de besoins artificiels, c’est moins de pression financière, et donc plus de liberté dans ses choix professionnels.

Conclusion : redéfinir la tranquillité

Peut-être que la vraie tranquillité, finalement, ce n’est pas d’avoir les deux seuils atteints simultanément, mais d’être en paix avec ses choix, même quand ils nous mènent sur un chemin moins balisé.

Car entre la sécurité absolue et l’épanouissement personnel, j’ai fait mon choix. Et vous, où placez-vous votre curseur ?


Cet article reflète une expérience personnelle et ne constitue pas un conseil financier. Chaque situation est unique et mérite une réflexion adaptée.